Une des choses qui revient le plus souvent de la part des home-studistes : comment je traite une voix ? Comment je la mixe, comment je l'égalise, comment je la place dans le mix...
Vaste question, la voix. Mais déjà il faut commencer par bien l'enregistrer. Vous ne ferez jamais un bon mix avec une voix mal enregistrée ; c'est bien entendu valable pour n'importe quel instrument.
Et il n'y a pas 10000 solutions, pour avoir une bonne qualité, voire une qualité studio, il faut deux choses : pièce amortie et micro statique.
Pièce amortie parce quoiqu'il arrive vous n'arriverez pas à enlever les réflexions captées par le micro. Pas moyen de compresser car ça fait remonter les résonnances, pas moyen de bien l'inclure dans le mix car on aura toujours l'impression que la voix a été enregistrée dans les toilettes. Donc à part une intention d'enregistrement bien précise, genre "j'ai enregistré dans la
cathédrale d'Amiens" ou une pièce dont l'acoustique est spéciale (et de
toute façons c'est une autre façon d'aborder l'enregistrement d'une voix), enregistrez dans une pièce mate, dans l'idéal un "voice booth" ; mais si vous n'avez pas de pièce dédiée, choisissez une chambre par exemple, le lit et les rideaux faisant office de bons absorbeurs. Bien entendu vous pouvez utiliser des écrans autour du micro, voire même des paravents, mais ils ne pourront que légèrement atténuer les résonnances, il ne faut pas leur demander l'impossible.
Ensuite, un micro électrostatique, ou plus simplement statique. Pourquoi ? Parce que ces micros
ont une précision, une sensibilité et une finesse que n'ont pas les micros dynamiques. Bien entendu il y a quelques exceptions, et il y a aussi de bons enregistrements qui ont été réalisés avec des micros dynamiques comme le SM58 ou le SM7 de Shure, le M88 de Beyerdynamics, voire même à son époque le D330 d'AKG. Et d'ailleurs, si vous faites une session d'enregistrement avec tous les musiciens qui jouent ensemble, le dynamique est la meilleure solution. Vous gagnerez en isolation ce que vous perdez en finesse. Car l'inconvénient des statiques est qu'ils captent tout, à commencer par les résonnances.
Une fois que votre voix est enregistrée, que la prise est bonne, il va falloir nettoyer la piste : enlever les respirations indésirables, les bruits de bouche, les pops, les passages non chantés ou non parlés pour limiter le bruit de fond et les sons d'ambiance, etc. D'ailleurs,pour limiter les bruits de bouche, n'enregistrez pas si le chanteur vient de finir son jambon-beurre, et fournissez toujours un verre d'eau.
Après le nettoyage, si besoin recalez la voix, synchronisez les chœurs ; pas besoin d'un calage à la microseconde, mais il faut que tout ça soit en place.
C'est seulement maintenant qu'on va pouvoir travailler la matière sonore. Je parle de traitement de base, j'oublie volontairement les effets artistiques type Autotune, chorus, flanger, vocoder et autres.
Commençons par égaliser cette voix.
Première chose, couper l'extrême grave. Il ne se passe rien en termes de voix humaine sous les 60-80Hz. Donc un coupe bas à pente raide fera parfaitement le job et vous permettra d'éliminer des tas de bruits parasites (pops, bruits retransmis par le pied de micro, etc.), donnant plus de latitude au compresseur.
Ensuite, travailler le bas medium qui souvent empâte un peu la voix. C'est souvent dû à l'effet de proximité, c'est pourquoi on recommande de chanter à 20cms du micro (nonobstant le fait qu'un bon chanteur module la distance, soit pour rechercher la chaleur et l'effet de proximité, soit pour les fortissimos)... bref, atténuer un peu les fréquences situées entre 150 et 300Hz, ça dépend bien entendu du type de voix.
Pour accentuer la clarté, la présence, travaillez les fréquences de 1500 à 3-4000Hz. C'est aussi en diminuant ces fréquences là qu'on peut atténuer une agressivité, ou donner un peu plus d'ampleur à une voix un peu fluette.
Enfin, l'aigu est souvent à accentuer légèrement afin d'aller chercher le grain, la présence de cette voix. Tous ces réglages sont à effectuer avec parcimonie afin de ne pas détimbrer, dénaturer la voix, en particulier sur les voix chantées. Sur les voix parlées, on peut aller un peu plus loin, et même très loin lorsqu'il s'agit de production pour la pub radio par exemple.
La compression est importante pour la voix ; les écarts de dynamique sont importants et l'intégration dans le mix compliquée sans compression. Là aussi il faut agir avec subtilité, mais de toute façon tout dépend du style musical.
Je pense que vous connaissez tous les réglages d'un compresseur, mais une petite piqûre de rappel ne fait pas de mal...
Le ratio est le taux de compression. Plus le chiffre est grand plus le son est écrasé. Pour garder du naturel, je vais rarement au-delà de 10:1 ; sur une voix chantée, c'est même le plus souvent aux alentours de 4:1, afin de ne pas tuer la vie et le naturel.
Le threshold est le niveau au dessus duquel le compresseur agit ; c'est là qu'il faut l'ajuster avec précision afin qu'il diminue la dynamique sur les notes fortes, sans tuer les notes plus faibles.
L'attaque est le temps que le compresseur met à descendre le niveau. Là aussi il faut jouer sur ce réglage en écoutant bien le résultat. Un délai trop court va tuer toutes les attaques et aplatir le rendu. Un délai trop long va laisser passer toutes les pointes et provoquer un son agressif et désagréable.
Le release, ou relâchement, est le temps que le compresseur va mettre à remonter le son après l'avoir baissé lors d'une attaque. Un réglage à travailler là aussi en écoutant afin d'éviter les effets de pompage.
Tous ces traitements ont tendance à accentuer certains défauts, et en particulier les sifflantes, ou sibillances. Les S qui deviennent prédominants, agressifs. Pour les atténuer, on va utliser un désesseur, qui est tout simplement un compresseur axé sur une fréquence particulière, aux alentours de 4000Hz pour les voix masculines et 6000 pour les voix féminines. Il y en a un bien entendu dans Samplitude, mais ils sont très nombreux sur le marché, pour ma part, j'utilise Sibillance de Waves, très efficace, utilisant l'intelligence artificielle pour arriver à un résultat très naturel.
A noter : les réglages pour les couplets et les refrains sont souvent différents, du fait de l'intensité différente dans la chanson. Il est donc plus simple de créer des pistes différentes pour chaque partie de la chanson (couplet, refrain, bridge, etc.), et éventuellement des les diriger vers un bus "Voix" avec un léger compresseur afin de niveler si besoin l'intensite tout au long du morceau.
Et enfin, il faut intégrer ces voix dans le mix. En termes de niveau, c'est simple. Mais il faut lui donner une ambiance, et le plus souvent on met une reverb. Je conseille de créer une piste auxilliaire de reverb pour y envoyer vos voix, ça permet plus de contrôle. Pour ma part j'en crée deux, avec deux reverb différente : une room, pour donner un peu d'espace à la voix, la "dématifier", lui donner de l'air. Puis une reverb hall pour la placer dans une plus grande salle. En plus, ou à la place de la reverb room, j'ajoute un slap délai, c'est à dire un délai très court, de 60ms environ en mono, ou, selon le contexte, 60ms d'un côté et 90 de l'autre, là aussi ça donne un peu d'ampleur, un côté dédoublé qui donne un peu de vie. Enfin, je rajoute un délai plus long, adapté au tempo du titre, à la noire, à la croche, ou plus court, c'est selon, pour là aussi placer la voix dans le mix. Tous ces effets sont à mettre ensemble ou non, à combiner, voire à totalement éliminer ; tout dépend du titre et de l'ambiance que vous voulez donner au titre.
Ecoutez ce que fait Billie Ellish, avec cette voix hyper proche, sans reverb, ou au contraire ce que fait Beck sur l'album Morning Phase avec cette voix noyée dans la reverb. Cabrel dans la Corrida avec ce mélange reverb
et délai très travaillé, la voix d'Hannah de London Grammar, etc. Les exemples sont très nombreux. De toutes façons je donne toujours le même conseil : écoutez de la musique, beaucoup de musique, mais écoutez-la vraiment. Décortiquez, désassemblez auditivement, demandez-vous comment ils ont fait tel ou tel son, parlons-en sur les réseaux.
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